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LeMonde Job: WMQ1610--0014-0 WAS LMQ1610-14 Op.: XX Rev.: 15-10-99 T.: 11:06 S.: 111,06-Cmp.:15,14, Base : LMQPAG 28Fap: 100 N
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« Sans unité, les peuples d’Afrique
n’ont pas de futur,
sauf comme perpétuelles et faibles victimes
de l’impérialisme et de l’exploitation »
HORIZONS
PORTRAIT
14 / LE MONDE / SAMEDI 16 OCTOBRE 1999
Julius Nyerere (photographié en 1978) avait conduit la Tanzanie à l’indépendance, en 1961. Il s’était retiré volontairement de la présidence en 1985.
PETER JORDAN/NETWORK/RAPHO
Julius Nyerere, le vieil instituteur
L’ancien
président
tanzanien
Julius Nyerere
s’est éteint jeudi
14 octobre
dans un hôpital
londonien.
Agé de
soixante-dix-sept
ans, il avait
marqué
son peuple
et l’ensemble
du continent
noir par
sa simplicité,
son franc-parler
et sa farouche
volonté
d’indépendance
vis-à-vis
des grandes
puissances
E
N janvier 1962, six
semaines à peine
après la proclama-
tion de l’indépen-
dance du Tanganyi-
ka, le Sunday
Telegraph écrit que
Julius Nyerere a dé-
missionné. Le beau
coup de théâtre ! En lisant la dé-
pêche, l’intéressé lui-même s’es-
claffe. « Vous pouvez dire que je l’ai
lue et que j’ai bien ri », confie-t-il à
un journaliste africain. Et pourtant,
c’est vrai. « Aujourd’hui, j’ai renoncé
à mes fonctions de premier ministre.
Avant de le faire, j’ai moi-même
choisi une nouvelle équipe de mi-
nistres, avec Rashidi Kawawa à sa
tête », annonce-t-il le lendemain. La
presse occidentale y voit le reflet
d’une sombre crise interne.
Le Tanganyika, déjà pauvre et
presque insignifiant, semble bien
mal parti. En fait, celui qu’on ap-
pelle le Mwalimu, le maître d’école,
a décidé de se consacrer au renfor-
cement de la TANU, la Tanganyika
African National Union, ce parti
qu’il a fondé en 1954 et dont il veut
faire le moteur du jeune pays. Et le
geste qu’il a fait en démissionnant
va plutôt le servir : le 9 décembre
1962, il est élu président de la Répu-
blique, son adversaire ne recueil-
lant que 3 % des voix.
Avec Julius Nyerere, animateur
parfois impulsif et sans doute le
plus brillant chef d’Etat de l’Afrique
noire, les anecdotes de ce genre
abondent. « La marche, expliquera-
t-il un jour, est le symbole de l’accep-
tation des défis qui nous attendent. »
Et le voilà qui parcourt à pied plus
de deux cents kilomètres en octo-
bre 1967, dans la région de Mwan-
za, à la tête d’une équipe de mi-
nistres et de hauts fonctionnaires
qui n’en demandaient sûrement
pas tant.
Quelques mois plus tôt, après
une tournée de quatre semaines à
travers un pays qu’il secoue inlas-
sablement, il a prononcé la fa-
meuse déclaration d’Arusha, la pre-
mière esquisse sincère d’un
socialisme africain. Dans les jours
qui suivent, des nationalisations sé-
lectives ont été décrétées. Julius
Nyerere, guide incisif, croit à ce
qu’il dit. Il demeure l’un des rares
leaders d’Afrique noire qui ont eu
le courage de s’attaquer de front au
problème du développement
économique et social. Et, pourtant,
la tâche n’était pas facile.
Le personnage a souvent déchaî-
les passions. Ses adversaires
l’ont taxé de « collaboration-
nisme » lorsqu’il s’efforçait de né-
gocier l’indépendance de son pays
sans effusion de sang, et d’autres
l’ont accusé, plus tard, de vendre
son pays aux Chinois en acceptant
l’aide pourtant généreuse et « non
liée » de Pékin. « Le fait que moi, en
tant que président, je doive expliquer
pourquoi j’accepte l’aide chinoise est
en soi-même une sérieuse humilia-
tion. Voilà mon explication et ma
protestation », lancera-t-il un jour à
des journalistes. L’histoire lui don-
nera deux fois raison : l’indépen-
dance sera acquise sans remous et
l’aide chinoise sera l’une des mieux
à même de servir une expérience de
socialisme africain.
Plutôt petit, mince, la moustache
et les tempes grisonnantes, il op-
pose à certains de ses collègues
d’Afrique – les maréchaux et prési-
dents à vie – une simplicité voulue :
le costume, une chemise sans col, le
refus de titres ronflants, sa propre
discipline du portefeuille (il habite-
ra, à Dar es-Salaam, une petite pro-
priété achetée à l’aide d’un crédit
bancaire) et un système égalitariste
au sein duquel tout le monde s’ap-
pelle ndugu, camarade, et où lui-
même se nomme Mzee, le vieux. Ju-
lius Nyerere, même au sommet de
sa popularité, n’aimera pas la
pompe.
En avril 1975, quand les délégués
d’une conférence extraordinaire de
l’OUA se réunissent à Dar es-Sa-
laam pour y discuter de la situation
en Afrique australe, il n’y aura pas
de beurre sur leur table. Mais le
paysan tanzanien dans un pays
où le revenu moyen par tête d’habi-
tant est alors inférieur à 400 F par
mois – a-t-il jamais vu la forme
d’une motte de beurre ?
La première chance de Nyerere a
été d’appartenir à l’une des plus pe-
tites des 126 tribus que compte la
Tanzanie (le nom que prendra le
Tanganyika après son union, en
1964, avec Zanzibar). Né en 1922, le
jeune Kambarage est le deuxième
des quatre fils de la cinquième
femme de Nyerere Burito, chef des
Zanakis, une tribu d’une quaran-
taine de milliers d’âmes. On ne
pourra donc jamais lui reprocher de
défendre d’importants intérêts tri-
baux.
S
A deuxième chance – celle
d’être un fils de chef le
conduira à l’école, où il ap-
prend le swahili puis l’anglais avant
d’aller passer deux ans au collège
de Makerere (Ouganda), qu’il quit-
tera, en 1945, avec un diplôme
d’instituteur. Après la guerre, son
instruction le conduit presque fata-
lement au Royaume-Uni, à l’univer-
sité d’Edimbourg, d’où il revient en
1952 muni d’un master en histoire.
De 1955 jusqu’à la date de l’in-
dépendance, le leader, de moins en
moins discuté, va passer le plus
clair de son temps à courir le Tan-
ganyika. Dès 1957, la TANU compte
un demi-million d’adhérents.
« Dans un sens, nous avions gagné la
bataille à cette date », jugera-t-il
plus tard. Le gouverneur de
l’époque, Sir Edward Twining (1949-
1958), fait tout pour briser l’ascen-
sion de Nyerere et le succès de la
TANU. C’est un échec, et son suc-
cesseur aura vite fait de
comprendre que Nyerere est
l’homme de la situation. Après les
élections de 1960 (70 sièges sur 71
vont à la TANU), il en fait un pre-
mier ministre.
En 1964, dans la foulée de la ré-
volte africaine de Zanzibar, la petite
troupe du Tanganyika se mutine.
Julius Nyerere se cache pendant
deux jours et il ne prendra le
contrôle de la situation qu’en fai-
sant appel aux Britanniques. Une
mutinerie provoquée par une qua-
rantaine de militaires africains
prend fin avec l’intervention de
soixante fusiliers-marins britan-
niques. Mais le président a senti la
vulnérabilité du pouvoir politique.
« C’est une double honte : la honte
d’être abandonnés par nos propres
hommes et celle d’avoir à faire appel
aux Britanniques », dira-t-il, avant
de remettre un peu d’ordre dans les
quelques bataillons dont son pays
dispose à l’époque et qui de-
meurent encadrés par des officiers
britanniques.
L’accident se révélera sans suite,
la popularité de Julius Nyerere n’en
souffrira qu’à peine. Avec un cou-
rage et une lucidité que tout le
monde lui reconnaît, il va se battre
sur deux plans. « Sans unité, les
peuples d’Afrique n’ont pas de futur,
sauf comme perpétuelles et faibles
victimes de l’impérialisme et de l’ex-
ploitation » ; « Indépendance et tra-
vail », dit-il à ses compatriotes, en
privilégiant les pauvres masses ru-
rales de Tanzanie, plus des quatre
cinquièmes de la population. Dar-
es-Salaam devient un symbole. La
capitale de la Tanzanie – en atten-
dant le transfert à Dodoma – ac-
cueille les chefs des mouvements
de libération de cette partie du
continent ainsi que le Comité de li-
bération de l’OUA. Mais la ville, vo-
lontairement négligée au profit des
campagnes, se délabre lentement.
A l’intérieur, la politique de re-
groupement en villages de la masse
rurale reçoit un coup de fouet. C’est
l’heure des ujamaas, ces commu-
nautés que certains membres radi-
caux voudraient voir se former plus
rapidement en dépit de la séche-
resse et des perturbations subies
par les récoltes. A l’extérieur, un
africanisme cohérent sous-tend
toutes les décisions de Julius Nye-
rere. Quand les Britanniques re-
fusent de mater la rébellion des Eu-
ropéens qui viennent de proclamer
à leur seul profit l’indépendance
unilatérale de la Rhodésie, Julius
Nyerere est l’un des seuls à rompre
comme promis avec Londres, en
dépit du trou créé dans son budget.
Mais, quelques années plus tard,
pour faciliter l’accession des Afri-
cains au pouvoir à Salisbury, il
n’hésite pas à approuver le dia-
logue discret engagé entre le pré-
sident Kaunda de Zambie et le pre-
mier ministre sud-africain John
Vorster.
Pour Julius Nyerere, les deux
combats sont inséparables. L’unité
de l’Afrique doit s’accompagner
d’une décolonisation économique
des pays du continent. C’est pour-
quoi il prend tant de soins à conso-
lider le système de parti unique
dont il a doté son pays tout en lais-
sant à ses lieutenants et au Parle-
ment le pouvoir de débattre et
même de décider. Il est persuadé
que les gens tirent les consé-
quences de leurs erreurs et, surtout,
qu’il peut faire confiance à son
peuple. Ses adversaires le taxent
volontiers de rêveur et de philo-
sophe. S’il commet des fautes ou
prend des décisions controversées
il sera l’un des premiers et des
seuls en Afrique noire à reconnaître
le Biafra –, c’est un homme avant
tout raisonnable. Raisonnable, il
paraît l’être lorsqu’en novembre
1985, à soixante-trois ans, en pleine
forme physique, il décide de « déte-
ler » et d’abandonner le fauteuil de
chef de l’Etat. Il n’en conserve pas
moins la présidence du tout-puis-
sant parti unique pour se consacrer
à sa réorganisation et « rempile »
même à ce poste deux ans plus
tard, pour un nouveau mandat de
cinq ans.
Aussi longtemps qu’il demeure à
la tête de l’Etat, il se refuse obstiné-
ment à céder aux « diktats » du
Fonds monétaire international. «Si
nous acceptions ses conditions, il y
aurait des émeutes dans les rues de
Dar es-Salaam », affirme-t-il. Il lais-
sera à son successeur le soin de si-
gner cet accord tant redouté.
L’économie n’est pas son fort ! Ce
qui lui importe, c’est de jeter les
bases d’une société égalitaire, quel
qu’en soit le coût. Il réussira à faire
en sorte que les différences entre
riches et pauvres ne soient pas aus-
si criantes en Tanzanie que dans
certains pays africains.
N
OURRI de christianisme
social à la Mounier – il s’est
converti au catholicisme à
l’âge de vingt ans –, de socialisme
utopique à la Proudhon et, au dé-
part, de philosophie bantoue, il fixe
à son pays une belle ambition :
« travailler ensemble pour le bien de
tous ». Malheureusement, les pay-
sans tanzaniens ne l’entendaient
pas de cette oreille. Impossible de
leur faire comprendre que l’accès à
des méthodes modernes de culture
supposait la mise en commun de
leurs efforts. « Passionnément non
aligné », Nyerere invite ses frères
de race à demeurer authentique-
ment eux-mêmes, à puiser leur ins-
piration dans les traditions locales
plutôt que de singer l’étranger. Léo-
pold Senghor, ancien chef de l’Etat
sénégalais et membre de l’Acadé-
mie française, est à ses yeux le pro-
totype de l’Africain déraciné, qui a
trahi les siens.
Même s’il a traduit en swahili le
Jules César de Shakespeare, le mwa-
limu tient, en effet, en grande suspi-
cion le « métissage culturel ». Julius
Nyerere peut s’enorgueillir d’avoir
forgé une nation malgré les bases
artificielles héritées de la colonisa-
tion. Certes, l’émiettement eth-
nique lui a facilité la tâche. Mais la
promotion du swahili comme seule
langue officielle et le brassage des
populations provoqué par la « villa-
gisation » ont renforcé la cohésion
du pays. Entre religions, la cohabi-
tation est plutôt harmonieuse : le
très catholique mwalimu cédera son
fauteuil présidentiel à un disciple
d’Allah qui se choisira un premier
ministre chrétien.
Comme il s’y est essayé dans son
pays, le mwalimu chercha à jouer
les professeurs de morale hors des
frontières. Sous son magistère mo-
ral, la très vertueuse Tanzanie a
longtemps vilipendé tous ceux qui
pactisaient avec le régime de l’apar-
theid, d’autant plus à son aise
qu’elle n’en était pas économique-
ment prisonnière.
En 1978, il n’hésite pas à envoyer
ses troupes en Ouganda pour
abattre la dictature du maréchal Idi
Amin Dada, ce « fasciste noir » qui,
selon lui, fait honte au continent.
Vindicatif ou charmeur, il sait dire
ses quatre vérités à chacun, protes-
ter, par exemple, contre « l’attitude
arrogante, provocante et mercan-
tile » de la France qui vend des
armes au régime de Pretoria. Il est
le seul à dénoncer ouvertement
l’« humiliation » que représente, à
ses yeux, la signature, en mars 1984,
d’un pacte de non-agression entre
l’Afrique du Sud et le Mozambique.
Retiré – après sa retraite – dans
son village natal de Butiama, il le
quitte très souvent et devient un
ambassadeur hors pair pour les
pays du tiers-monde. Il préside le
South Center et une fondation qui
porte son nom. Objectif : œuvrer
pour la paix et le développement
des pays du Sud. En 1995, l’Organi-
sation de l’unité africaine (OUA)
s’adresse à lui pour tenter d’apaiser
les drames dans la région des
grands lacs. Après le génocide au
Rwanda, il sert à partir de 1996 de
médiateur dans l’interminable crise
qui secoue le Burundi voisin.
« Immensément influencé par
l’Occident » autant qu’il est « non
aligné », Julius Nyerere n’en finira
pas de partir en croisade contre
l’égoïsme et l’impérialisme des pays
riches, des « nantis ». Pour ceux qui
avaient regretté de le voir trop tôt
prendre du recul, « Nyerere, c’était
une voix, souvent prophétique ».
Jean-Claude Pomonti
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